La profession de foi de Philippe Meirieu

Elections régionales 2010 – Rhône-Alpes

Les Verts –  Europe Écologie

Profession de foi de Philippe Meirieu


L’urgence de penser le long terme,

l’impératif de la solidarité

 

 

 

Depuis mes combats de lycéen pour le droit à l’expression des élèves jusqu’à mon engagement, aujourd’hui, contre la marchandisation de l’éducation, je me suis toujours investi dans la vie associative, institutionnelle, syndicale, civique et politique. Militant de l’Éducation populaire, engagé dans l’action culturelle, combattant pour plus de justice sociale et de paix dans le monde, travaillant avec le mouvement coopératif, impliqué dans de nombreuses innovations pour une formation plus démocratique et émancipatrice, chercheur obstiné sur les moyens de construire un système scolaire plus juste et une pédagogie accordée aux défis de la modernité, promoteur de l’éducation aux médias ainsi que de l’éducation à l’environnement et au développement durable, je peux formuler aujourd’hui les lignes de force qui se sont dégagées tout au long de mon parcours et qui portent ma décision de m’engager dans le combat politique. Or, ces lignes de force sont, précisément, celles que je retrouve, aujourd’hui, au coeur de l’action des Verts et au sein du mouvement Europe Écologie. C’est pourquoi, alors que je n’ai encore jamais sollicité de mandat électif, je souhaite avoir l’honneur de conduire leur liste en Rhône-Alpes aux élections régionales de mars 2010. Ensemble, avec l’expérience, la détermination et l’enthousiasme des militants et des élus, je suis convaincu que nous pouvons gagner la confiance d’une majorité de citoyens de la Région, en les rassemblant autour de deux principes fondateurs : d’une part, l’urgence de penser, enfin, sur le long terme et d’agir en levant les yeux au dessus des intérêts individuels immédiats et, d’autre part, l’absolue nécessité de placer une solidarité assumée et en actes au coeur de toute action politique.


J’ai
  la conviction que, selon le titre d’un de mes ouvrages publié en 2001, « le monde n’est pas un jouet » : alors qu’un enfant peut casser le château de cubes qu’il vient de construire avec la certitude qu’il pourra en fabriquer facilement un autre, notre action sur le monde s’inscrit dans l’irréversibilité du temps. Quand on agit « pour de vrai », on ne peut pas revenir en arrière et effacer le passé. La responsabilité à l’égard du futur nous impose d’anticiper et de ne rien compromettre de ce qui constitue notre bien commun le plus précieux, l’univers dans lequel nous vivons et dont nous sommes partie prenante. Or, c’est pour n’avoir pas agi ainsi jusqu’ici que nous nous trouvons face à une crise écologique sans précédent et d’une extrême gravité. Le productivisme acharné, la surchauffe consommatoire dans les pays du Nord associée au pillage des pays du Sud, la toute-puissance d’un capitalisme financier, qui impose à la planète la loi du profit à tout prix, ne cessent de creuser les inégalités, d’engendrer de la violence et de compromettre notre avenir collectif. Cette situation exige de nous un changement radical de manière de penser et de gérer le monde : impossible de continuer à prendre des décisions improvisées, au gré des alliances politiciennes et en fonction des intérêts à court terme. Toute décision doit être anticipée et faire l’objet d’une réflexion sur l’ensemble de ses effets, sur les êtres humains comme sur le monde, sur le présent comme sur l’avenir. C’est cela, à mes yeux, le « projet de gouvernance » de l’écologie politique.

Et j’ai aussi la conviction que, dans un monde dont nous savons, désormais, qu’il n’est ni inépuisable ni éternel, la solidarité n’est pas d’abord une valeur, c’est un fait. Rien de ce que nous faisons n’est sans effet sur l’ensemble et tout se tient dans tous les domaines : environnement, emploi, éducation, mode de vie, culture, formation, transports, agriculture, énergie, etc. Cette solidarité de fait nous relie aussi à l’ensemble des autres peuples et nations. Elle nécessite une autre manière de vivre et de travailler ensemble. Pour cela, il faut militer sans relâche, à tous les échelons institutionnels et politiques de la planète, pour que soient prises les mesures qui s’imposent. Mais il faut aussi convaincre et former les citoyens pour qu’ils fassent évoluer leurs comportements et que le moindre geste dans l’espace collectif soit pensé au regard de ses effets sur l’avenir du monde. Les mesures indispensables qui relèvent de la responsabilité du politique n’exonèreront jamais les citoyens de leur engagement personnel. C’est pourquoi, si l’éducation et la formation ont profondément besoin d’intégrer la dimension écologique, l’écologie politique ne peut se passer d’un travail éducatif et formatif en profondeur.


Ces deux lignes de force trouvent aujourd’hui un espace politique nouveau pour s’exprimer.

 

 

Bien sûr, cet espace a été préparé de longue date par des visionnaires que nos sociétés n’ont malheureusement pas su écouter à temps : entre les partisans du « tout État » - qui croient que le contrôle bureaucratique garantit la justice sociale et la paix civile – et les partisans du « tout marché » - qui imaginent que seule la mise en concurrence des personnes et des services garantit le progrès et la qualité de vie -, il existe une voie originale et que je crois la seule féconde. Non pas du côté de ceux qui oscillent en permanence entre l’emprise de l’État et le libéralisme… non pas du côté de ceux qui associent l’une et l’autre dans un « libéralisme autoritaire » où le pouvoir d’un chef charismatique et la caporalisation des appareils cachent mal l’inféodation aux grands intérêts privés… mais du côté de la tradition coopérative et mutualiste, dans les mouvements d’éducation populaire et le travail de l’économie sociale, au sein des associations et des groupements citoyens. Là se trouve une autre conception de l’État, comme un « collectif souverain » au sein duquel les collectivités territoriales ont toute leur place.

Loin d’être utopique, ce mouvement représente la seule ligne de passage pour avancer en politique aujourd’hui vers une démocratie authentique : il s’agit de s’appuyer, à tous les niveaux, sur les initiatives qui mettent en oeuvre des solidarités nouvelles ; il s’agit d’impulser des actions innovantes dans les collectivités locales qui sont au plus près des citoyens et de permettre à ces collectivités de se mettre en réseau pour mutualiser leurs ressources ; il s’agit de susciter, partout, des réflexions et des propositions à partir de la confrontation loyale des points de vue. Bien sûr, cela ne supprime pas la nécessité d’un pilotage national et de responsabilités territoriales assumées. Mais le premier comme les secondes sont assignés, aujourd’hui, à une saine modestie. Nul ne détient à lui seul la vérité et n’est habilité à exercer le pouvoir de manière théocratique. Les politiques doivent partir des problèmes qui se posent réellement aux citoyens dans les territoires. Ils doivent contribuer à faire émerger le « bien commun » et travailler en toute transparence autour des enjeux essentiels. Ils doivent se départir de leur suffisance et de leurs privilèges, renoncer aux dépenses de prestige et aux exhibitions ostentatoires. Ils doivent faire de la politique l’espérance du quotidien et la préparation de l’avenir.

À ce titre, le rassemblement Europe Écologie constitue un véritable modèle alternatif.


Parce que le « bien commun » ne peut plus être, aujourd’hui, identifié à un dogme qui s’imposerait au nom d’une doctrine intangible et immuable,
Europe Écologie associe tous ceux et toutes celles qui s’engagent à travailler pour un monde plus harmonieux et solidaire. Parce que notre vie publique a été enkystée progressivement par la « politique professionnelle », Europe Écologie mobilise des hommes et des femmes aux trajectoires diverses. Parce que les enjeux écologiques sont d’une importance vitale, Europe Écologie oblige à rebattre les cartes, à réviser les priorités et à placer au centre de l’action collective notre responsabilité à l’égard du futur.

 

Ainsi, dans la continuité du travail engagé par les Verts au cours de la mandature régionale qui s’achève et après la poussée d’ Europe Écologie aux élections européennes, les élections régionales sont une formidable opportunité.

 Il peut devenir possible, dans la Région Rhône-Alpes, d’incarner l’espérance écologique de manière encore plus complète et cohérente, tant dans les objectifs que dans le mode de gouvernance. Il est possible de rassembler, autour des Verts dont les analyses, l’expérience et le dynamisme sont des atouts absolument décisifs, un ensemble de citoyens et de

citoyennes qui pensent le développement de notre région de manière harmonieuse et solidaire, indépendamment des clans, des baronnies et des chapelles. Des hommes et des femmes qui peuvent se réunir autour de valeurs fondatrices : un humanisme véritable qui récuse toute marchandisation de la société, une solidarité active qui tisse partout les liens nécessaires pour lutter contre l’individualisme et les inégalités, une politique fiscale fondée sur une redistribution équitable et au service d’une politique de développement harmonieux, un travail pour relier les personnes au lieu de les opposer, un refus de toute forme de

ghettoïsation qui enferme et interdit aux personnes d’avoir prise sur leur destin, une lutte immédiate et sans concession contre tout ce qui abîme les êtres et la nature, contre tout ce qui compromet notre avenir.

 


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Penser l’espace autrement, c’est se dégager définitivement de la posture conquérante et arrogante qui assujettit la nature, l’environnement, les constructions et les créations humaines aux intérêts immédiats d’une minorité. Penser l’espace autrement, c’est penser « territoire » et promouvoir systématiquement les « contrats de développement durable ». C’est donc :


Identifier, dans les différents domaines, le bon « maillage » qui permet la réflexion, la concertation, l’émergence de propositions et les prises de décision. À cet égard, La Région représente le bon maillage pour un nombre important de décisions, dans le domaine économique, des transports ou de la formation par exemple. Mais la Région doit travailler en articulation avec les autres collectivités territoriales et l’État, car le maillage est différent selon qu’il s’agit de développer des jardins collectifs, de réfléchir sur le maintien d’une classe unique dans un village, d’élaborer une plateforme d’accueil, d’orientation et de formation des jeunes, de penser l’infrastructure des transports ou la question des centrales nucléaires. Dans tous les cas, la Région doit appuyer la même démarche : faire en sorte que les citoyens aient prise sur leur destin, qu’ils puissent réfléchir en commun, transmettre leurs positions aux administrations et aux politiques et participer à la mise en oeuvre des décisions prises par les instances légitimes.


Faire des territoires des espaces régis par le bien-être, la solidarité active et le souci du développement harmonieux de ceux et celles qui  y habitent . Les citoyens doivent pouvoir travailler, se cultiver, faire du sport, s’alimenter, s’associer, se rencontrer, prendre des initiatives  sans être contraints ni à des déracinements, ni à des déplacements excessifs, des achats coûteux ou des gaspillages d’énergie. Il faut privilégier, partout où c’est possible, les circuits courts : c’est là un levier fondamental de transformation en profondeur de la société. Il faut aussi interrompre la politique dite abusivement des « économies d’échelle ». Les concentrations ne font faire des économies que dans le registre des investissements à très court terme : à moyen et long terme, elles détissent le lien social, bureaucratisent la société et

engendrent des gaspillages humains et en énergie considérables.


Prendre appui sur les territoires pour inventer de véritables alternatives écologiques à la fuite en avant productiviste. On doit encourager, par exemple, la recherche d’un tourisme alternatif respectueux de l’environnement, la recherche de nouvelles sources d‘énergie renouvelable (solaire, éolienne, hydraulique, mais aussi le méthane), la recherche de nouvelles dynamiques en matière d’emplois (en travaillant sur les complémentarités entre les différentes activités), la recherche de modes de production doux et la recherche de solutions immédiates pour lutter contre la dégradation climatique et les atteintes à notre environnement.

Accompagner la reconversion écologique de l’économie sur l’ensemble de la région. La Région doit encourager tout ce qui contribue au développement d’une « économie verte » : diversification des cadres juridiques et des modèles économiques alternatifs inspirés de

l’économie sociale et solidaire (coopératives, mutuelles, associations, fondations, etc.), appui aux initiatives qui privilégient le service aux populations à la création de profits financiers, soutien à l’agriculture et à l’artisanat de proximité. De leur côté, les grandes entreprises doivent engager des mutations décisives en matière de restriction des nuisances et pollutions, de reconversion d’un certain nombre de productions, de participation active au développement harmonieux du territoire où elles sont installées et qu’elles instrumentalisent parfois sans souci de l’environnement ou du bien-être des habitants. La Région doit poursuivre de manière volontariste une évaluation des empreintes écologiques de ces entreprises et mettre en oeuvre une politique transparente visant à accompagner et soutenir leurs efforts

dans ce domaine.


Modifier radicalement les habitudes en matière de transports. Dans le prolongement des efforts considérables déjà effectués grâce à l’action des Verts, la Région doit apporter un soutien décisif aux transports collectifs et peu polluants. Il convient, en particulier, de cesser de

soutenir le développement des infrastructures autoroutières et d’appuyer le redéploiement des transports collectifs ferroviaires et par autocars. Il faut aussi encourager systématiquement le covoiturage et l’utilisation du vélo.


Favoriser, dans les territoires, les échanges de toutes sortes. Le tissu social français est, aujourd’hui, à la fois, marqué par la diversité et la montée en puissance de ghettos. Les territoires et toutes les institutions fonctionnent selon un système de « jeux d’orgues » dans

lesquels les individus évoluent, mais au sein desquels ils se trouvent enfermés. La responsabilité des pouvoirs publics régionaux est de rendre possible les rencontres entre des personnes et des groupes qui, habituellement, ne se rencontrent pas : il s’agit de promouvoir un « sociétal » ouvert et dynamique contre tous les communautarismes et les replis sur soi. Il convient donc de privilégier clairement toutes les initiatives qui créent de la mixité sociale, culturelle et générationnelle. Il s’agit de lutter contre toutes les formes de discrimination et de préjugés en permettant à tous de se reconnaître différents mais capables de s’enrichir réciproquement.


Faire des territoires les lieux privilégiés de l’action culturelle. La création culturelle est un des éléments décisifs de la vie et du rayonnement d’une région. Rhône-Alpes est, dans ce domaine, une région phare et doit le rester. Mais il faut rééquilibrer les budgets afin de permettre une meilleure irrigation des territoires ; il faut encourager les structures culturelles importantes à chercher de nouveaux publics et à se déplacer au sein de la région : il faut aussi promouvoir les pratiques culturelles de proximité et aider les pratiques-amateurs et semi-professionnelles dans leur diversité. Ces dernières ont en effet, tout à la fois, des fonctions de formation, d’expression, de lien social et de découverte de la culture dans ce qu’elle a de plus exigeant et de plus épanouissant pour les individus. Parce que la culture a vocation à relier tous les êtres, elle ne doit pas être réservée à des « spectateurs professionnels ».


S’ouvrir à d’autres territoires et développer les solidarités intrarégionales, inter-régionales et internationales. Aucun développement ne peut se faire au détriment des autres, ni dans l’ignorance des autres. Il revient donc à la Région de susciter, d’encourager et d’aider

toutes les initiatives qui permettent de faire vivre une solidarité effective entre les êtres et les peuples. Parmi bien d’autres pistes, la Région doit s’engager résolument dans un soutien fort à un authentique « commerce équitable ».

Penser le temps autrement , c’est sortir de la posture irresponsable de pillage du monde et travailler pour faire de la durée, dans tous les domaines, un moyen de construire de l’humanité et de libérer les hommes et les femmes de toutes les formes de fatalités.

Penser le temps autrement , c’est donc :

Mettre la question de l’irréversibilité au coeur de toutes nos actions. Aucun risque ne peut être pris qui mette en péril de manière irréversible la survie de notre planète, de nos territoires, de nous-mêmes et de nos enfants, du tissu social et de notre avenir. C’est à l’aune de ce principe qu’il faut considérer la question de l’énergie et, en particulier, du nucléaire ; mais c’est aussi en fonction de ce principe qu’il faut travailler à conserver, et à reconstituer quand elle a été détruite, la biodiversité. C’est à partir de ce principe, enfin, qu’il faut penser aussi bien la question du développement urbain que celle de l’éducation.


Développer une autre conception du bien-être et de la santé. Alors que notre société, aujourd’hui, abîme les individus pour leur vendre ensuite les moyens de se réparer, il faut investir massivement dans le domaine de la prévention. Le « cure » (soigner) doit être complété par le « care » (prendre soin) : il faut « prendre soin » des hommes et des femmes de la région, en promouvant une agriculture biologique de qualité, en améliorant les rythmes de vie, en encourageant la mutualisation des initiatives susceptibles de faire diminuer les tensions et la violence. Particulièrement, il faut « prendre soin » des jeunes générations, tant en ce qui concerne leur environnement physique que psychique : le cadre de vie, l’alimentation, le sport, la culture, les médias doivent être conçus en intégrant systématiquement cette préoccupation dans le cadre des compétences assignées au Conseil

régional. La réflexion sur l’usage et les impacts des technologies de la communication chez les enfants et les adolescents doit être menée de manière volontariste afin de pouvoir agir avec discernement dans ce domaine.

Penser l’éducation familiale en tenant compte des évolutions de la modernité. Les familles, dans leur immense majorité, ne sont pas démissionnaires, mais démunies. Elles sont confrontées à des questions nouvelles auxquelles nul n’a de réponse immédiate, comme l’addiction à Internet, les nouvelles formes de mise en danger que pratiquent les adolescents, etc. Etre parent n’est pas une capacité « innée » et les réponses aux défis d’aujourd’hui ne peuvent être fournies exclusivement par la médecine… ou la répression. Pour autant il n’est pas question de fournir aux parents des recettes à appliquer systématiquement. En revanche, en lien avec les conseils généraux qui ont compétence dans ce domaine, il faut promouvoir le

soutien à la parentalité en encourageant, en collaboration avec le tissu associatif et les autres collectivités territoriales, les initiatives dans ce domaine : groupes de rencontres, aides pédagogiques et psychologiques, etc. Il s’agit, ici, de faire de Rhône-Alpes, une région pilote, où est la réflexion et menée de manière volontariste, dans un pays qui a pris un retard considérable en matière d’action sur l’environnement familial des enfants.


Poursuivre et développer le travail pour faire de tous les établissements d’enseignement relevant des compétences régionales (lycées d’enseignement général, technologiques, professionnels et agricoles, CFA, organismes de formation) des lieux d’éducation écoresponsables, accueillant à l’égard de tous les élèves, leur apportant les aides matérielles et pédagogiques dont ils ont besoin pour réussir leurs études. Ces aides, pour être justes, doivent être modulées sur critères sociaux et pédagogiques : il est important, par exemple, de prendre en compte les besoins spécifiques des élèves de lycées professionnels. Les lycées doivent être encouragés et aidés afin de stimuler les initiatives des élèves et leur implication dans la vie de l’établissement qui est une condition de la formation du citoyen. Ils

doivent pouvoir progressivement s’ouvrir à d’autres publics (dans le cadre d’activités sportives et culturelles, avec des adultes en formation continue, etc.). Ils doivent, enfin, pouvoir développer, en leur sein ou en articulation avec eux, des structures alternatives pour les élèves en très grande difficulté ou décrocheurs. La Région, quant à elle, doit absolument veiller à ce que les lycées ne se positionnent pas en concurrence les uns vis à vis des autres, mais se développent dans un esprit de complémentarité. Elle doit, pour cela, développer ses propres

indicateurs d’évaluation : il faut, en effet, compléter les indicateurs traditionnels qui favorisent injustement les établissements ayant des politiques de sélection (comme la réussite au baccalauréat) par des indicateurs en matière d’initiatives culturelles et d’apprentissages sociaux, de prise de responsabilité et de lutte contre toutes les formes de discrimination (en particulier racistes et sexistes).
 

Amplifier et adapter la formation professionnelle en permettant à chacune et à chacun de mieux en profiter et en la mettant  délibérément au service d’un développement durable. Pour cela, la Région doit associer largement tous les acteurs concernés à l’élaboration et à la mise en oeuvre du Plan régional de formation (PRDF) ; ce dernier doit progressivement intégrer le plus grand nombre de partenaires afin de devenir réellement un « PRDF tout au

long de la vie ». La Région doit faire un effort exceptionnel sur la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE), aujourd’hui trop souvent vécue comme un parcours du combattant. Elle doit accompagner les « apprentis » afin de mieux garantir leur emploi après le contrat

d’apprentissage. Elle doit permettre aux bénéficiaires d’un Contrat Individuel de Formation (CIF) de potentialiser au mieux leurs acquis. Elle doit accompagner les jeunes qui veulent entrer dans la vie professionnelle par des aides adaptées au logement et à l’installation ;

elle doit contribuer à la mobilisation de l’environnement social et économique pour qu’ils les soutiennent dans leur intégration et leur accès à l’autonomie… Par ailleurs, la Région doit poursuivre et intensifier l’introduction de modules de « formation au développement durable » dans toutes les formations et soutenir la mise en place de formations qualifiantes dans ce domaine. Il est essentiel de pousser à la création de nouvelles certifications capables de mettre en oeuvre une véritable « économie verte ». la Région doit enfin, bien sûr, être exemplaire en matière de formation avec ses propres employés et investir sur la formation des TOS.


  Articuler étroitement formation initiale et continue pour mettre en place, enfin, une « formation tout au long de la vie ». Bien des difficultés et des injustices, bien des problèmes et des rancoeurs tiennent,  aujourd’hui, au fait que ce sont ceux qui ont profité de la première chance de la formation initiale qui profitent de la deuxième chance de la formation continue. Parce qu’elle a compétence sur les lycées et sur  la formation continue, la Région est l’instance la mieux placée pour prendre en charge cette question. Bien sûr, elle doit améliorer les deux secteurs et s’y impliquer avec un souci de justice sociale et la  perspective de contribuer le mieux possible au développement des territoires, mais elle doit aussi faire de leur articulation une priorité absolue. C’est ainsi, d’ailleurs, qu’elle pourra jouer pleinement son rôle

en matière d’orientation.


  Promouvoir l’éducation non formelle en mettant en synergie, dans la Cité, toutes les institutions et initiatives. Il faut travailler plus systématiquement à favoriser la communication et la mutualisation  entre le monde de l’école, celui de l’enseignement supérieur, celui des médias, celui de l’entreprise, celui de la culture, celui des associations d’Éducation populaire, etc. Tous ces univers doivent pouvoir travailler ensemble et élaborer des projets sans être entravés par des raideurs technocratiques souvent rédhibitoires.

  Appuyer les recherches susceptibles d’aider au développement harmonieux des personnes et des territoires. Pour cela, la Région doit s’appuyer, bien sûr, sur l’enseignement supérieur mais ne pas négliger, pour autant, tous les travaux menés par d’autres institutions qui s’attachent à inventer et à évaluer des moyens pour favoriser le lien social et le développement harmonieux. Elle doit, évidemment,  être particulièrement vigilante sur les dangers que peuvent présenter certaines recherches sachant que, selon la fameuse loi de Gabor, « tout ce qui est techniquement possible sera fait un jour ». Rien n’est  « neutre » en matière de recherche et tout doit être considéré à l’aune du seul critère possible : promouvoir « l’humaine condition ».

Toutes ces perspectives impliquent évidemment de mettre au premier plan le principe fondateur selon lequel « rien n’est jamais définitivement joué pour quiconque ». C’est cette confiance dans les êtres humains qui doit être le pivot de toute sa politique de formation.

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Au terme de cette « profession de foi », je souhaite rappeler que nous ne répondrons à l’urgence écologique que par une démarche démocratique et que nous ne pourrons relever les immenses enjeux qui sont les nôtres aujourd’hui qu’à trois conditions :

1) Il faut que les militants et les élus des Verts et d’ Europe Ecologie travaillent ensemble au coude à coude et donnent l’exemple de la concertation, de l’inventivité et de la priorité inconditionnelle aux idéaux communs. Nul ne peut se prévaloir d’une position

en surplomb qui lui permettrait de dire seul « le bien commun ». Les compétences des uns et des autres ne se développent que dans l’échange et la mutualisation. Le travail en équipe n’est pas un gadget, c’est un impératif catégorique.

2) Il faut que la gestion de la Région, dès lors que nous y sommes impliqués, soit exemplaire : réduire les écarts salariaux, accompagner les évolutions de carrière, être transparent sur les procédures, diminuer les dépenses de prestige, améliorer encore et toujours la disponibilité et l’accueil à l’égard de tous les citoyens. Il n’y a pas de bonne gouvernance de la région sans une bonne gouvernance de l’administration régionale.

3) Il faut que la démocratie régionale soit rigoureuse, que les décisions soient préparées en amont, que plusieurs scénarios soient systématiquement étudiés et comparés, que les choix soient réfléchis, les risques assumés en toute connaissance de cause.

Si ces conditions sont réunies, alors la Région Rhône-Alpes pourra devenir une région phare, jouer son rôle dans la nécessaire coordination de l’ensemble des exécutifs régionaux et participer pleinement à la reconstruction d’un État véritablement  démocratique et écologique.


≪ Il n’y a pas de lumière déjà allumée au bout du tunnel, simplement une boite d’allumettes transmise d’une génération à l’autre. L’humanité ne dispose pas d’une longue mèche et cette génération‐là détient la dernière allumette. ≫

Jonarno Lawson (lettre à Philippe Meirieu)

 

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